Interview d’une éducatrice de jeunes enfants.
Comment peut-on définir la pudeur ?
Selon le dictionnaire, la pudeur est une prédisposition de l’Homme à exprimer une retenue morale ou physique à l’égard de ce qui est considéré comme indécent. Cette réserve et cette discrétion sont le plus souvent associées à des questions d’ordre sexuel.
Lorsqu’elle se manifeste chez un enfant qui n’était pas pudique jusqu’alors, la pudeur signale l’entrée dans la préadolescence ; cette manifestation – essentiellement d’ordre psychique – va s’accroitre à l’approche de la puberté. L’enfant se pose beaucoup de questions, sur la place de ses parents dans sa vie, sur la place qu’il va prendre lui-même parmi les autres, sur la représentation de son propre corps, sur ce que l’on peut partager et sur ce que l’on garde pour soi. Cela vaut pour ce qui se voit (le corps) comme ce qui ne se voit pas (les pensées).
À quel âge la pudeur apparaît-elle ?
Chaque enfant va aborder ce passage différemment ainsi que le constatent les parents d’une fratrie. Certains n’éprouvent aucune gêne, sont très à l’aise avec leur corps et la nudité ne leur pose pas de problème. D’autres le vivent plus difficilement. Le caractère de chacun compte pour beaucoup. Comparer n’a donc pas de sens d’autant plus que le développement d’un individu n’est pas non plus linéaire.
Ceux qui se développent physiquement très tôt peuvent être bouleversés par ces changements s’ils sont encore très ancrés dans l’enfance et n’ont pas encore commencé ce questionnement psychique.
Quel rôle joue la pudeur dans le développement de l’enfant ?
La pudeur joue un rôle essentiel dans la formation de la personnalité.
Jusqu’à l’âge de 4 ou 5 ans, le père et la mère peuvent se montrer nus devant leur petit garçon ou leur petite fille sans soucis, si telle est leur envie. Entre père et fils, ou entre mère et fille, naît une sorte de complicité à se voir à la fois si semblables et si différents. Au-delà, l’enfant traverse les turbulences du complexe d’œdipe, période où il est passionnément attaché au parent du sexe opposé.
Vers l’âge de 7 ou 8 ans, l’enfant devient pudique à son tour (cette pudeur peut être plus précoce chez les filles).
Comment cela se concrétise-t-il ?
L’enfant s’enferme dans la salle de bains, ce qui signifie en clair : « Je n’ai plus envie qu’on me regarde. » Mais cela veut dire aussi : « Je n’ai plus envie de vous voir nus. » A cet âge, l’enfant comprend les défenses et interdits posés autour de la sexualité ; sa pudeur s’exacerbe.
Dans le même temps, il se montre réservé dans l’expression de ses sentiments et redoute que l’on se moque de lui lorsqu’il raconte ses aventures. Les baisers d’amoureux dans la rue, les bisous au cinéma, les corps nus aperçus dans les musées lui paraissent « dégoûtants ». Pas question non plus de laisser la porte des toilettes ouverte, de boire dans le verre des autres… Autant de réactions qui visent avant tout à masquer sa pudeur et son angoisse.
Quels conseils pour aborder la pudeur de l’enfant ?
À partir du jour où l’enfant s’enferme dans la salle de bains, il faut être attentif à ce message et respecter sa liberté. Il grandit et traverse une phase essentielle de son développement psychologique. Il a le droit de ne pas avoir envie de se montrer nu. Il ne faut pas non plus insister pour le laver : il est capable de faire sa toilette tout seul.
Il faut aussi faire attention à ne pas se moquer de lui et éviter toute remarque ironique à ce propos devant des membres de la famille ou des amis.
Enfin, il est primordial de respecter sa pudeur : cela signifie respecter son domaine (sa chambre, son armoire, son bureau) autant que ses sentiments. À partir de 6 ou 7 ans, il doit être sûr que son jardin secret sera respecté.