Interview d’un thérapeute pour enfants.
Pourquoi les enfants posent-ils tant de questions auxquelles l’adulte ne sait pas répondre ?
Cela fait partie de l’évolution de l’enfant. Tous les enfants posent des questions dérangeantes, qui donnent envie aux parents de fuir, telles celles qui touchent à la mort, au sexe…
C’est naturel ; les enfants traversent tous une période de questionnement, renforcée lorsqu’ils vont à l’école qui leur ouvre un monde inconnu qui les faits s’interroger sur leur place au sein de la famille, de la communauté…
À partir de quel âge ces questions émergent ces questions déstabilisantes ?
Entre 3 et 7 ans, arrivent les questions sur Dieu, la vie, la mort… A partir de 3 ans en effet, l’enfant commence à exister indépendamment de ses parents. Il s’éveille aux mots, s’interroge sur le monde, sur ce qui se voit ou ne se voit pas, avec parfois un vocabulaire cru, sans nuances.
Je me souviens d’une petite fille, âgée de 4 ans qui, un jour, alors que je me trouvais au cimetière, interrogeait ses parents : « Quand on est mort, c’est pour combien de temps ? ». J’ai senti chez ces derniers un flottement, une gêne comme s’ils ne savaient pas quoi répondre et ils ont changé de sujet. Cependant, cette attitude peut être déstabilisante pour l’enfant qui reste face à ses propres interrogations sans trouver de réponses.
Comment réagir face à une question telle que celle de la mort ?
Il n’y a pas une réponse juste face à ce questionnement car elle fait écho à notre vécu et nos croyances, qu’elles soient religieuses, intellectuelles ou spirituelles. Ce qu’il faut d’emblée comprendre, c’est que les enfants ne pensent pas comme nous et que leurs conceptions sont liées à ce qu’ils ressentent.
Entre 3 et 4 ans, la mort est plutôt liée à une absence, une séparation ou un manque. Elle aussi liée à un jeu : vous savez, ces enfants que l’on voit jouer aux policiers et aux voleurs et qui font semblant de se tirer dessus en criant : « Pan ! T’es mort ! ». A partir de 5 ans seulement, on va commencer à en parler sérieusement, mais ce n’est qu’à partir de 7-8 ans qu’un enfant comprend que la mort est quelque chose de définitif. Cette prise de conscience est d’ailleurs souvent liée à la perte d’un être cher ou d’un animal de compagnie.
En revanche, pour tous professionnels de la Petite Enfance, il n’existe qu’une seule bonne façon de dire à un enfant que quelqu’un est mort, c’est de prononcer avec douceur et attention les mots : « Il/Elle est mort(e) ». Nommer la mort, c’est ne pas mentir et donc respecter l’enfant. A ce sujet, je conseille l’excellent ouvrage de Françoise Dolto, Parler de la Mort dans lequel on peut trouver des mots simples pour en parler.
Quels conseils afin d’aborder avec sérénité ces questions ?
Il est avant tout important de répondre aux questions de l’enfant même si elles sont parfois déstabilisantes. Souvent la crainte de ne pas trouver les mots justes, de faire souffrir l’enfant, l’envie de le protéger incitent les parents à mentir. On ne compte plus les grands parents décédés « partis en voyage » ! Bien sûr la vérité peut faire souffrir l’enfant mais la dire lui permet de partager la vie de la famille et d’y occuper sa place. L’enfant sort toujours plus fort de l’épreuve. Un mensonge, que l’enfant pressent confusément, le fera douter des adultes.
Bien évidemment, il est important d’adapter sa réponse à ce que peut entendre l’enfant, en fonction de son âge et de sa maturité. Il n’y a pas de réponse « interdite » tant que celle-ci est adaptée à l’enfant. A l’entrée en maternelle, l’enfant doit connaître sa filiation, la différence entre fille et garçon et savoir que les bébés viennent du ventre des mamans et que le rôle d’un papa est indispensable.
Il est possible de faire appel à des images pour aider l’enfant à prendre en compte ce qui n’est pas visible, ou d’utiliser des histoires propices à un échange, facilitant le passage de la fiction à la réalité. L’enfant fera alors appel à son imagination et se construira ses propres repères.
Pour les plus grands, je conseille le guide du zizi sexuel de Zep qui apporte des réponses très justes.
Avez-vous un dernier conseil à apporter ?
Les repères que l’on apporte à l’enfant ne sont pas figés dans le temps ; ils vont évoluer au fur et à mesure qu’il grandit. Avec leurs interrogations, leurs rêves et leurs images, les enfants nous interpellent sur qui nous sommes.
Enfin, ne pas fuir devant la difficulté. Comment l’enfant peut-il transmettre aujourd’hui son ressenti au monde si l’adulte prend la fuite ? Je conseillerais de prendre le temps de s’arrêter et d’écouter le message. Dire à un enfant que la mort existe, c’est lui dire que ses parents sont mortels, que lui-même est mortel car c’est la meilleure façon d’amener l’enfant à comprendre le monde et à aimer la vie. Les mots de l’adulte doivent permettre d’en dire assez pour que l’enfant sache, mais pas trop pour que l’enfant puisse se faire sa propre idée. A ce sujet, je conseille là-encore l’excellent ouvrage de Françoise Dolto, Parler de la Mort dans lequel on peut trouver des mots simples pour en parler.